On ne présente plus la conférence internationale annuelle EthCC, rendez-vous européen incontournable de la communauté Ethereum et des enthousiastes blockchain et crypto.
Cette année marque la consécration des NFT, les fameux Non Fungible Tokens. Une occasion inespérée d’évoquer lors d’une AMA (Ask Me Everything) une technologie que nous utilisons déjà depuis 2017 mais qui, n’a eu droit de cité, auprès d’un public élargi, que depuis 4-6 mois seulement. De quoi augurer le meilleur pour la suite.
Qu’est-ce que le NFT ?
Le terme NFT désigne les Non Fungible Tokens (ou jetons non fongibles).
Il s’agit d’actifs numériques basées sur la blockchain qui ont la particularité d’être uniques et indissociables. Plus parlant au grand public que la seule blockchain, le NFT possède des qualités intrinsèques intuitives. Notamment, son unicité qui intervient à quatre niveaux :
- un créateur unique,
- un identifiant inaltérable,
- un contenu différenciant
- un seul propriétaire actuel
En résumé : le NFT c’est une façon unique de numériser n’importe quel objet virtuel, selon les propos de Quentin de Beauchesnes, Cofondateur et Head of Blockchains chez Ownest.
Ces derniers mois, les NFT ont été essentiellement mis en avant dans la presse via les enchères records enregistrées sur le marché de l’art (cf. Beeple et son oeuvre de collage numérique de 69,4 millions de dollars entre autres). Or, les cas d’usages sont légions et vont bien au-delà que de la simple monétisation du crypto-art pour des aspirants Beeple et c’est ce qu’a montré la 4e édition de l’EthCC.
“Le NFT c’est bien plus qu’une application dans l’art : c’est une façon unique de rendre un objet virtuel. On l’a vu avec l’EthCC où il est devenu un ticket. Avec lui, on pourra représenter l’ownership dans le luxe pour digitaliser la garantie... “ - Quentin de Beauchesnes, Head of Blockchain et Cofounder chez Ownest -
Quoi de neuf du côté des NFT à l’EthCC ?
L’EthCC (Ethereum Community Conference) est la conférence internationale annuelle consacrée à l’écosystème blockchain publique Ethereum. Elle est organisée par Ethereum France, de loin la communauté crypto-blockchain la plus dynamique de France. Cette année, elle a réuni 250 speakers et attiré - malgré le contexte sanitaire - près de 1200 personnes sur 3 jours à la Mutualité. Un aftermovie publié récemment permet de se rendre compte de l’émulation que suscite un tel évènement.
Première dans sa courte mais prometteuse histoire, l’EthCC a créé (minté pour les puristes) et mis aux enchères son propre NFT. Un token doté d’un super pouvoir : un golden ticket permettant un accès à vie à l’EthCC et transmissible à ses ayants droits. Un NFT insolite qui a trouvé preneur pour 6 ethers, soit l'équivalent de près de 12 000 dollars. au moment de la vente.
Lors de ce rendez-vous immanquable, Gauthier Zuppinger, le fondateur de Non Fongible.com - le site de référence sur les NFT - a partagé quelques statistiques intéressantes sur le marché des NFT et notamment sa ventilation des transactions par univers. Il en ressort que le marché de l’art domine largement (14%) suivi par le métavers et le sport (tous deux à 7%), le gaming leur emboîte le pas à 5%. L’utility - malgré un engouement grandissant - souffre encore d’un manque de notoriété, à en juger par ses 1% de part de marché.
Lors de cet EthCC, l’association ADAN - dont Ownest fait partie - a réuni autour d’une table ronde, un panel représentatif de cet écosystème NFT observable en France et à l’international : Art, finance, mode & luxe et gaming.
Marie Claire, 3D Artist chez Wild Animation, explique l’engouement du marché de l’art pour les NFT par le fait de permettre aux artistes de s’émanciper du monde des prestations de service tout en se créant une vitrine plus accessible pour leurs œuvres. Un enjeu majeur pour un secteur de l’art numérique peu connu du grand public et qui peine à y voir un travail manuel authentique. Le NFT permet ici d'apporter de la transparence et une meilleure gestion des royalties.
Alexandre, représentant de l’univers mode, ayant officié sur la blockchain Aura de LVMH, travaille sur Future Factory, marketplace de sneakers virtuels qui ambitionne de se décliner également sous la forme d’une boutique physique. Pour lui, le NFT permet au designer de se reconnecter avec sa communauté de fans, élément également soulevé par Marie Claire.
De son côté, Ronan Sanford, ex-développeur de jeux vidéo voit lui aussi l’avantage de l’émancipation en créant des jeux décentralisés tout en servant l’expérience du joueur. Ainsi, le projet Ethernal propose une exploration de donjon où il est question de récolter des NFTs. Le NFT se voit alors doté d’une dimension fonctionnelle en plus de sa dimension esthétique (super pouvoir, objet magique…).
Domaine méconnu et pourtant à fort potentiel, la logistique offre au NFT un terrain fertile où la traçabilité est renforcée sur les flux internes et externes. Il s'ensuit l’une des premières applications utiles (comprendre hors divertissement BtoC) et extra-monétaires des NFTs (la valeur n’est pas tradable sur une place de marché comme OpenSea mais a plus à voir avec la perception qu’en a le client). Il est ici question de sécuriser les échanges entre opérateurs logistiques via le transfert de responsabilité, en traçant notamment des palettes de marchandises. Une innovation qui se conforme même aux normes européennes, notamment en délivrant une lettre de voiture numérique (e-CMR).
En quoi le NFT est-il le futur de la propriété ?
Ce qu’offre le NFT c’est la tokenisation de tous les biens et services, en leur apportant toute la rapidité et l’efficience de la blockchain.
Véritable game changer, la technologie du jeton non-fongible apporte les notions d’ownership (propriété) et d’authenticité (origine et provenance transparente).
Pour Nathan Sexer, Vice Président de Ethereum France - média dédié à la communauté Ethereum depuis 2016 - la force du NFT réside dans son ADN blockchain. Ainsi, le NFT hérite des caractéristiques des blockchains sur lesquels les NFTs sont émis (Ethereum…).
On y retrouve alors les notions d’immuabilité, de traçabilité et de transparence. Mais surtout, c’est son interopérabilité par défaut qui promet le plus. Parce que créateurs et utilisateurs s’appuient sur la même blockchain et les mêmes standards, il est plus facile d’émettre, revendre ou échanger des tokens au sein de l’ensemble de l’écosystème (Art, DeFi, gaming, logistique…)
Autant de qualités intrinsèques qui laissent à penser que le terme-parapluie de NFT risque bien à terme de se faire oublier pour devenir un standard de traçabilité adopté par l’ensemble des sociétés de biens et services.
Pour Quentin de Beauchesne, le modèle NFT présente notamment 3 domaines d’application prometteurs :
- Média : lutter contre les fake news via le suivi et la certification des informations
- Musique : sécuriser tickets et places de concerts
- Influence/marketing : noter la réputation sur internet
Des propos à retrouver dans la première partie de l’émission 100% NFT du podcast de Cryptoast.
“ C’est une technologie d’infrastructure qui a vocation à s’abstraire : je vois dans un futur proche que l’on va vendre des NFT sous forme de NFT sans parler de NFT.” - Nathan Sexer, Vice Président de Ethereum France -
Comme le rappellent Alexandre Frih et Quentin de Beauchesnes, contrairement à une idée reçue, la valeur d’un NFT n’est pas forcément financière. Ainsi, l’impact social gagne du terrain que ce soit dans le retail mode et luxe ou encore dans la logistique (rendre la filière plus clean, green...)
Cependant, quelques freins subsistent avant que le phénomène ne devienne mainstream :
- des qualités hétérogènes notamment dans l’art digital
- des questions en matière de curation des token (origine morale, légale…)
- un besoin de renforcement de la législation (notamment en matière de propriété intellectuelle).
Le protocole peut pallier certaines difficultés et le fondateur et monsieur Ethereum, Vitalik Buterin a su rassurer et galvaniser son public.
Quel plan d’action pour Ethereum pour 2022 ?
Sur la grande scène de l’EthCC dans une conférence sobrement intitulée “Les choses qui comptent en dehors de la DeFi”, Vitalik Buterin - le programmeur (rock)star et fondateur d’Ethereum - a partagé sa vision de l’écosystème auprès de 750 personnes présentes sur place.
Le fondateur Vitalik Buterin a la volonté de rendre Ethereum plus inclusif et cela passe notamment par la diminution prochaine des frais de gas (frais de transaction sur le réseau). Ces coûts élevés, qui sont un peu la rançon du succès de Ethereum, restreignent l’accès aux traders et investisseurs fortunés. Bien décidé à faire d’Ethereum “un bien public”, il entrevoit notamment l’idée d’un “financement rétroactif” des projets, les développeurs n’étant ainsi rémunérés que lorsque celui-ci génère des dividendes.
Autre plan d’action : il a fait part de ses vœux de pousser les cas d’application d’Ethereum au-delà de la seule finance décentralisée. Il faut dire que la DeFi n’a cessé de prendre de l’importance sur le réseau Ethereum depuis début 2010. Buterin ne renie pas pour autant la DeFi considérant que « être défini par la DeFi est mieux que de n'être défini par rien ». Une décision qui passe par une diversifications tous azimuts vers les réseaux sociaux décentralisés, les ENS mais aussi bien sûr les NFT.
Reste que pour y parvenir, quelques améliorations en termes de scalabilité (capacité à traiter davantage de transactions) s’avèrent néanmoins nécessaires comme énoncé lors d’une interview au media Cryptoast. Ainsi, face aux risques de centralisation - et donc de dilution de l’esprit de corps d’Ethereum - Buterin a peut-être trouvé la parade : pénaliser les afflux massifs de validateurs recourant aux Amazon AWS et Google, via une perte plus importante d'éthers. Pour les nouveaux entrants il s’agira donc de créer son propre nœud ou de basculer sur d’autres services Cloud moins sujets à controverse.
Rendez-vous immanquable chez nous, ce n’est pas, loin s’en faut, la première fois que nous répondons présent. Nous y étions lors des précédentes éditions comme lors de la seconde édition en 2019. Par son orientation autour du développement et des projets, l’évènement n’est pas sans rappeler un autre événement international annuel, la Devcon - la conférence Ethereum pour les développeurs, chercheurs, penseurs et makers - dont l’itinérance a de quoi faire pâlir les fans de salons professionnels (Prague, Osaka, Lisbonne… et bientôt Bogota).