L'histoire des NFT commence bien avant que le terme lui-même apparaisse et qu'il ne devienne un phénomène. Nous allons vous expliquer comment de Satoshi à Beeple, les NFTs sont apparus puis se sont imposés.
I - Avant que les NFT ne s'appellent NFT (2011 - 2017)
Un NFT est un jeton non fongible, c'est-à-dire un objet numérique unique. Cette notion d'unicité est apparue avec l’arrivée même de Bitcoin.
Namecoin, le précurseur
En effet, la blockchain - notion évoquée pour la première fois par Hal Finney en 2010 - de Bitcoin permet de stocker de manière irrémédiable une donnée, ce qui permet de prouver à tous son existence avec certitude.
Avec cette possibilité il est donc possible de tenir un registre de données en surcouche de Bitcoin, pour gérer telle ou telle application. Des membres de la communauté ont donc envisagé d'utiliser ce principe pour les noms de domaines. Le projet qui a démarré sous le nom de BitDNS a vu le jour sous la forme du premier "Altcoin": Namecoin.
Cette cryptomonnaie, soutenue par Satoshi et Hal Finney, permet de maintenir un registre de domaines .bit, toujours fonctionnel aujourd'hui (et précurseur des domaines ens et beaucoup d'autres projets de ce type).
Pour ce faire, ils ont introduit la possibilité d'intégrer des données dans une transaction Namecoin. Cela a donné l'idée à un artiste et un développeur de Monegraph, qui peut être considéré comme le projet pionnier du CryptoArt.
La possibilité d'intégrer des données dans une transaction a été ajoutée par la suite à Bitcoin (après de long débat) sous la forme de la fonction OP_Return et a ouvert de nouvelles possibilités à partir de l'année 2014.
Des Colored coins à Counterparty
La volonté d'ajouter des informations à Bitcoin a fini par déboucher sur l'apparition des Colored Coins. L'idée était d'ajouter des métadonnées aux transactions bitcoin, correspondant à l'état d'un jeton, en utilisant la blockchain comme un registre.
Cette idée de "pièce colorée" a été mise en œuvre dans de nombreux protocoles, comme OpenAssets, ChromaWay ou Colu. Cependant, les principaux projets ont été Mastercoin et Counterparty, qui ont amélioré le protocole de base et facilité la création de jetons et leur suivi grâce à un explorateur dédié.
Mastercoin (désormais Omni) - première ICO - fût ainsi la plateforme utilisée pour créer le premier stablecoin (USDT), et plusieurs autres tokens toujours fonctionnels aujourd'hui. Counterparty de son côté a été créé par une communauté et sans ICO. Et la manière dont il a été créé a eu une grande influence sur les projets qui ont été développés par la suite sur ce protocole.
Rarepepes et la naissance du CryptoArt
Comme la création de jetons sur Counterparty était totalement libre, de nombreuses expérimentations se font sur le protocole. On peut y voir les premiers jetons 'sociaux' (comme celui de Adam Levine), les premières cartes de jeu vidéo avec Spell of Genesis en 2015, et le premier vrai projet de CryptoArt avec les Rarepepes.
Le projet Rarepepes démarre en 2016 avec au départ la simple volonté de faire des mèmes à collectionner basés sur Pepe the frog et le sujet des cryptos, des vrai "rares" pepes. Le projet rencontrant un succès grandissant, de nombreuses propositions de cartes affluent, et des artistes finissent par soumettre leur propre cartes.
Cela débouche sur plus de 1700 cartes différentes, certaines uniques comme HOMERPEPE, réalisées par plus de 200 artistes. Beaucoup de ces artistes ne s'arrêteront pas là, et dans les années suivantes deviendront des pierre angulaires de ce qu'on appelle aujourd'hui le CryptoArt.
Ownest Fact: Les fondateurs d'Ownest avaient travaillé sur divers projets touchant de près ou de loin les tokens non fongibles. On peut citer en particulier Dipl, pour la certification de compétences, ou un projet basé sur l'AIS (système d'identification automatique) mais en version tokenisée.
II - Émergence des NFTs sur Ethereum (2017 - 2018)
Un des collaborateurs au projet Mastercoin a pensé qu'il devrait être possible de faire plus que de simple jetons sur la blockchain Bitcoin. Après avoir vu les évolutions qu'il avait proposé refusées, Vitalik Buterin décide alors de faire bande à part et de créer une nouvelle cryptomonnaie, qui deviendra le ciment de la révolution NFT : Ethereum.
Les premiers "NFTs": Etheria & Cryptopunks
Ethereum a été lancé en août 2015 avec comme intention de devenir "l'ordinateur mondial", grâce à une nouveauté: les "smarts contracts". Ces programmes permettent de créer à peu près l'application que l'on veut de manière décentralisée.
Cela donne des idées, et le premier projet que l'ont pourrait associer à la notion de NFT sur Ethereum est Etheria (2015). Ce projet proposait un monde virtuel où l'on pouvait acheter des bouts de terrains et construire ce que l'on souhaite dessus. Ces bouts de terrains uniques sont des précurseurs aux projets comme Cryptovoxels ou Decentraland.
Il a fallut du temps ensuite pour voir de vrai projets "NFT" sur Ethereum, cette plateforme étant alors considérée en 2016-2017 comme un terrain de jeu pour les ICO. Le projet Cryptopunks, à l'été 2017, marque un premier tournant en proposant 10000 avatars tous uniques et ces punks pixelisés sont aujourd'hui considéré comme les premiers vrais NFT sur Ethereum.
Ethereum : du jeton ERC20 à l'ERC721
Les premières années d'Ethereum ont été principalement consacrées à la création de jetons fongibles pour les ICO et les applications décentralisées, regroupé sous un standard: l'ERC20.
Mais l'émergence de projets nécessitant un jeton/actif non fongible a aussi poussé à réfléchir à la création d'un nouveau standard pour ce type d'objet. En septembre 2017, Dieter Shirley propose un nouveau standard ERC pour un type de jeton qu'il appelle "tokens non-fongibles" ou "NFT".
Ce choix du terme token lui apparaît alors "comme la meilleure des mauvaises options":
I did spend some time trying out other alternatives ("item", "object", "thing", etc.), but none seemed right. I am happy to hear other suggestions because I am not entirely content with "token". It just seems like the best of some bad options.
Français: J'ai passé du temps à tenter d'autres alternatives (objet, chose, etc) mais aucune ne semblait correcte. Je suis enclin à toute proposition parce que je ne suis pas sûr du mot "jeton", mais j'ai l'impression que c'est la meilleure option.
Cette nouvelle norme sera dès lors utilisée dès décembre 2017 par son créateur pour le jeu qu'il a co-créé : CryptoKitties.
Le phénomène CryptoKitties
CryptoKitties marque réellement le lancement du phénomène NFT. Ce jeu lancé le 2 décembre 2017 propose de collectionner des chats uniques avec des caractéristiques propre sur la blockchain et de les accoupler pour créer de nouveau chats uniques, héritant alors des caractéristiques de leurs parents.
Ce jeu profite de son démarrage en pleine explosion du prix - et de la popularité - de Bitcoin et devient un vrai phénomène. Ils s'échangent alors des CryptoKitties a des prix très élevés (>100k$), on en parle dans le New York Times et le nombre d'utilisateurs est tel que ces félins rendent même à certains moments la blockchain Ethereum quasi inutilisable.
Ownest Fact: La première application a été lancée début 2018 sur une chaîne alternative à Ethereum suite à ces blocages. Nous avons constaté que des applications comme CryptoKitties pouvaient mettre à mal nos propres applications
Ce succès va alors faire exploser les applications utilisant des jetons non fongibles (jeux, collections, arts, ...) et faire entrer dans la norme le nom associé à cette nouvelle norme ERC721, le Non-Fungible Token, ou NFT.
III - Vers le grand public (2018-2021)
À partir de CryptoKitties et de la popularisation de la norme ERC721, les NFTs se développent à un rythme effréné sur la blockchain Ethereum, et d'autres blockchains qui s'en inspirent.
Les marketplaces de NFTs
À partir de 2018 de nombreux projets utilisants les NFTs se sont développés sur Ethereum, sur des domaines divers, allant du jeu vidéo à l'art, en passant par les mondes virtuels.
Tout ces NFTs peuvent être échangés, mais cela reste complexe si l'on doit à chaque fois se connecter à une place de marché spécifique à l'application en question. C'est là où la marketplace Opensea (déc 2017), première du genre et leader du secteur, intervient et permet à n'importe qui de lister ses NFTs et d'en acheter.
Cette simplicité a permis une démocratisation en donnant une plus grande liquidité et visibilité à ces objets numériques uniques.
NBA topshot et les chaines alternatives
Une des constatations des créateurs de CryptoKitties était qu'Ethereum n'était pas capable de soutenir des jeux populaires sans voir le prix des frais d'utilisation exploser. Ces fondateurs ont donc décidé de créer leur propre blockchain, Flow, avec leur société DapperLabs.
D'autres blockchain se sont également spécialisées dans le domaine, comme Enjin, ou plus récemment Wax, qui a réussi à obtenir de nombreux partenariat avec des sociétés connues comme Atari.
Mais la blockchain alternative à Ethereum qui tient le haut du panier est clairement celle des créateurs de CryptoKitties, grâce à leur application NBA topshot. Ces NFTs de mini-vidéos uniques d'actions marquantes de matchs de NBA s'arrachent et sont régulièrement le projet NFT n°1 en terme de volume.
Explosion du CryptoArt et Beeple
Le seul projet qui réussi à damer le pion à NBA Top Shot est l'ancêtre Cryptopunks. Ces NFTs étant vus comme les premiers NFTs de CryptoArt à collectionner sur Ethereum, leur prix a même explosé pour atteindre parfois plusieurs millions de dollars.
Ce domaine du CryptoArt a démarré sur Ethereum via des plateformes fermées comme KnownOrigin (2018) ou SuperRare (2018). Depuis 2020, et l'apparition de marketplaces ouvertes comme Rarible, et d'autres poussées par des géants des cryptos, comme NiftyGateway de Gemini, le domaine a vécu une forte poussée, en prix et en demande.
Le point d'inflexion a été la vente aux enchères par Christie's d'oeuvres NFTs de l'artiste - déjà connu - Beeple, qui ont atteint 69m$. Cela a eu pour conséquence de faire découvrir le domaine à l'ensemble de la planète, avec des mentions du phénomène NFT dans les journaux français, que ce soit papier ou TV.
What's Next?
Nous avons vu comment en partant d'une notion assez floue au début - une inclusion de données dans une blockchain - les NFTs ont fini par se trouver une définition sur Ethereum, avant d'exploser comme "la version originale d'une oeuvre numérique" aux yeux du monde.
Il ne faut pas cependant s'arrêter aux seuls domaines de l'art ou du jeu, car les NFTs ont un champ d'application extrêmement large, et il vont changer beaucoup de choses à notre quotidien grâce à une formule magique : ils peuvent transformer qui est actuellement pléthorique - les données numériques - en quelque chose de rare.