En logistique comme ailleurs, la fragmentation du marché et l’internationalisation des échanges rendent difficile tout suivi de flux de marchandises. Et les procédures administratives habituelles, réalisés sur papiers carbones n’arrangent rien .
Or, à l’ère du CoVid-19 et de la distanciation sociale, les professionnels cherchent à renforcer la traçabilité des produits de premières nécessités mais aussi à limiter les surfaces de contamination. Heureusement, la numérisation des documents via la blockchain s’annonce comme une solution. Capable de garantir intégrité et cohérence des informations pour les transporteurs, la blockchain offre, outre des mesures plus durables, une visibilité temps réel grâce au transfert de responsabilité.
Des process de validation manuels, archaïques et non eco-friendly
Malgré le fait qu’il s’agisse selon Alexandre Berger, responsable BU logistique au sein du Groupe La Poste, “d’un des secteurs les plus collaboratifs qui soient”, la logistique demeure un monde où règne le zéro trust. Cela se traduit par une méfiance envers les différents maillons et une forte réserve quant au partage de données face au risque de servir la stratégie d’un concurrent. De sorte, que les procédures administratives sont aujourd'hui lourdes, chronophages et manuelles.
Dans le secteur logistique, le circuit de validation (qualité, lettre de voiture) se fait sur des feuilles volantes papiers, avec le risque, bien réel, de perdre le document ou d’y inscrire dans la précipitation ou par inattention des informations erronées.
En effet, malgré un contrôle très “comptable” (rapprochement de factures…) avec tamponnage, signature et retranscription des transactions effectuées à chaque étape de la chaîne de valeur entre les différents acteurs logistiques (usines de production, chargeurs, prestataires, transporteurs, plateformes logistiques distributeurs, retailers…), il est quasi impossible de bénéficier de données fiables et donc de disposer d’une visibilité temps réel sur ses flux de marchandises.
La blockchain, solution “sans contact” à l’ère du COVID-19
Au yeux de Clément Bergé Lefranc, CEO d’Ownest, la blockchain est une mécanique de consensus qui permet d’agencer les effets collatéraux des objectifs individuels de chacun des acteurs de la chaine logistique dans un mécanisme qui s’auto-contrôle et s’auto-sécurise suivant un cercle vertueux.
Pour paraphraser Alexandre Berger du Groupe La Poste, lors du Totem Supply Chain de l’été 2018, la Blockchain permet de “fonctionner sans avoir besoin de se faire confiance”.
Technologie générant des informations certifiées, immuables et transférables, elle permet, grâce à sa dimension numérique, d’adopter des pratiques compatibles en matière d’hygiène et de sécurité à l’ère de la distanciation sociale.
Grâce au transfert de responsabilité reposant sur la tokenisation d’actifs comme des marchandises, un tracker numérique, unique est créé sur la Blockchain pour chaque produit suivi. Cela permet de visualiser en temps réel l’ensemble des mouvements opérants sur la chaine logistique tout en limitant les contacts physiques avec les produits, au strict nécessaire.
Etant en mesure de scanner les marchandises à bonne distance, transporteurs et destinataires sont en mesure de vérifier la concordance du chargement (quantité et donc présence réelle ou non du produit, typologie de marchandises…). L’un comme l’autre est alors libre d’accepter comme de refuser le transfert de responsabilité.
Face au COVID-19, la startup Ownest a mis en place un nouveau dispositif à deux téléphones.
Il suffit, pour l’ opérateur logistique émetteur, de scanner le QR code (généré pour la transaction) du destinataire. De son côté le destinataire peut alors connecter son téléphone et présenter son QR code. Geste impliquant comme responsabilisant dans la mesure où toute validation du chargement vaut acceptation de la responsabilité sur ces mêmes produits.
L’E-CMR, le bon geste barrière pour sauver les transactions logistiques
Pour rappel, la CMR, aussi appelée "lettre de voiture", est un contrat de transport de marchandises impliquant une relation tripartite. Elle fournit un récapitulatif des informations légales du destinataire, de l’entreprise de transport mais aussi sur le transporteur en lui-même (nom/prénom, plaque d’immatriculation, poids des marchandises et commentaires).
Le remplissage du document intervient en principe après le chargement des marchandises, autrement dit après avoir manipulé les colis. Il se présente sous la forme d’un papier carbone produit en 3 exemplaires, remis de main en main et bien souvent signé deux fois à même le quai d’expédition.
Problème, de telles informations, cruciales d’un point de vue juridique en cas de litige, ne sont pas certifiées exactes et peuvent être perdues. Deux circonstances, susceptibles de les rendre inexploitables.
En outre, le transfert de documents d’acteur en acteur accentue le risque de contamination inter-professionnels et avec lui les risques systémiques afférents (professionnels rendus indisponibles, rupture de la supply chain, immobilisation des marchandises ou entreposage d’urgence hors des circuits conventionnels). Une étude de la revue scientifique The Lancet d’avril 2020 avait mis en lumière la durée d’infectuosité du virus sur des surfaces physiques. Même si ces données sont à prendre avec précaution, les chercheurs avaient conclu à une durée de 2 jours sur du papier.
A l’ère du Covid-19, une version numérique de ce document légal s’impose pour assurer la continuité de l’activité logistique et préparer la relance économique mais aussi afin de protéger les professionnels contre tout risque de contamination.
Le contenu de cette E-CMR ne diffère pas de la version papier : identité des différents intervenants, liste des biens, masse totale, commentaires et signature. En outre, il la complète et la simplifie.
En consolidant les informations qui y seront inscrites, une E-CMR blockchain permet de générer une data à forte valeur ajoutée dans la mesure où il est possible d’en contrôler la cohérence et d’en garantir l’intégrité. En outre, la signature électronique, permise par la numérisation de la lettre de voiture permet de respecter les règles de distanciation sociale.
Vous l’aurez compris, la signature électronique blockchain permet de responsabiliser davantage les professionnels de la logistique en leur permettant de s’extraire d’un système purement déclaratif et ainsi solutionner les problèmes de fiabilité liés à un circuit de validation manuel.
crédit photo : 8photo/Freepik