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Rene bohmer gold luxury unsplash min
16 déc. 2021

NFT : Avenir de l'expérience client luxe ?

Créateur de produits à forte valeur unitaire, voire exclusifs, le secteur du luxe, ce pourvoyeur du rêve et d’émotion ne reste pas insensible au jeton NFT. Y voyant un moyen solide de renforcer l’esprit de communauté ou d'accroître la confiance de ses clients envers l’origine du produit, il est de tous les combats.

Plongée au cœur d’une stratégie de fidélisation actualisée donnant lieu à une expérience de réalité augmentée et une traçabilité end-to-end sans couture.

Comment utiliser les NFT dans le luxe ? C’est ce que nous allons voir dans cet article.

Qu’est ce qu’un NFT ?

Pour rappel, un NFT est un jeton numérique associé à un objet physique ou virtuel, opérant sur la blockchain, qui a la particularité d’être unique et indissociable, en bref “non fongible”.

Mais ce n’est pas tout : un Non Fungible Token possède des qualités intrinsèques intuitives.

Ainsi, son caractère unique, d’aucun diraient “exclusif”, intervient sur quatre niveaux :

- un créateur unique,

- un identifiant inaltérable,

- un contenu différenciant

- un seul propriétaire actuel

Le NFT dispose de nombreux super pouvoirs, qui peuvent aisément répondre aux enjeux de nombreux secteurs d'activités :

  • la possession unique

Comme nous venons de le voir, un NFT ne pouvant être dupliqué, il ne peut être détenu que par une seule personne à la fois. Cela constitue ainsi une preuve certifiée de possession. De plus, un NFT ne peut exister en dehors d’un portefeuille. Ainsi, un NFT disposera toujours d’un seul et unique propriétaire. Cette caractéristique couplée à l’horodatage, permet de connaître l’historique des propriétaires par ordre chronologique, tout en renseignant les dates exactes des transferts de propriété.

  • une preuve d’origine

Un NFT est défini par son créateur, apportant ainsi une donnée certifiée sur sa provenance et son origine. Il permet de vérifier l'identité de son auteur et de faciliter la gestion des droits de propriété intellectuelle pour un artiste, par exemple.

  • l’horodatage de l’ensemble des évènements interférant avec le produit.

Chaque action sur un NFT (création, transfert de propriété, modification) est inscrite dans la blockchain, ce qui lui confère immuabilité et certification de l’existence de cette action à cette date. Elle peut être utilisée comme preuve d’antériorité de création par exemple (enveloppe Soleau).

  • la qualification

Il est possible d’attacher à un NFT des qualités immuables, qui la suivront tout au long de sa vie.

  • la transférabilité

Un NFT peut être transféré d’une personne à une autre (avec ou sans restrictions) et conserver ses caractéristiques. Il ouvre ainsi des perspectives en matière de garantie ou d'assurance.

  • l’indestructibilité

Si un NFT ne peut pas être effacé, il peut être brûlé en l’envoyant à une adresse blockchain non valide. En revanche, l’intégralité de son historique sera conservé sur la blockchain.

Des spécificités facilitant l’authentification d’un produit et la sécurisation de la propriété (ownership) qui n’ont pas tardé à intéresser l’art, le divertissement, ainsi que certaines filières industrielles soucieuses d’adresser des problématiques métiers. Parmi elles figure l’industrie du luxe.

NFT et Luxe, mariage de raison ?

“Le luxe, c’est la rareté, la créativité, l’élégance.” disait Pierre Cardin. Difficile de ne pas y retrouver dans cette alchimie sensorielle une sorte de triumvirat du NFT.

Balmain, Gucci, Louis Vuitton, D&G, Karl Lagerfeld, sont autant de maisons qui s’intéressent de près au NFT.

Il faut dire que le NFT emprunte beaucoup à la grammaire culturel du luxe comme :

- son caractère unique et son corollaire, l’effet de rareté, le produit de haute qualité étant en édition limitée, petite série voire unique et numérotée

- sa forte valeur unitaire ou éthique, lui donnant l’image d’une valeur refuge (où le produit de luxe est d’abord perçu comme un investissement en vue d’une éventuelle revente).

- son authenticité conférant un statut exclusif à son détenteur

-sa dimension émotionnelle (produit relatable) à même d’animer un véritable esprit de communauté

Si le jeton numérique a les faveurs du secteur, c’est bien parce qu’il propose de nouveaux supports créatifs, qui ne sont pas éloigné de son interprétation du crossover (mix culturel faisant le grand écart entre une culture élitiste et la culture populaire comme elle l’avait fait avec l’introduction de la sneaker dans ses collections ou encore avec le street art). Une alchimie prolifique avec le monde de l’art, déjà vieux d’une quinzaine d'années.

C’est aussi un moyen pour les maisons de luxe de séduire une nouvelle audience, plus jeune, hyperconnectée, vouant un culte à sa valeur d’investissement (et non plus de transmission comme pour les précédentes générations de clients) et adepte pêle-mêle de streetwear, de jeux vidéo et de plateformes de seconde main. Bref, des clients qui risquent d’entamer le brand equity de la maison si l’on n’y prend pas garde. Mais c’est surtout un segment de clientèle difficilement accessible et à l’origine peu réceptif au luxe mais qui à travers le secteur du e-sports, représentait 1,1 milliards de dollars en 2020 et 5 millions de fans.

Mais si l’envie de contribuer à l’écriture de cette technologie émergente se fait sentir, les façons de procéder diffèrent d’un acteur à un autre.

Nombre de marques de luxe ont fait le choix de privilégier l’aspect statutaire, selon un rapport de la banque d’investissement Morgan Stanley. Or, d’après elle, les aspects investissement ou communauté sont tout aussi importants pour susciter engagement et fidélité. Pour autant, la finalité est souvent la même : sublimer l’expérience client et faire le pont entre monde réel et univers virtuel étendu (une sorte de métavers culturel).

Avec son attrait grandissant pour le NFT, on y retrouve le caractère pionnier auquel le secteur est coutumier. En effet, la fièvre du NFT apparenté à l’univers du luxe est relativement récente. Elle a commencé par gagner le marché de l’art à travers certains crypto-artistes comme Beeple. Ce dernier a ainsi vendu, en mars dernier, « Everydays - The First 5000 Days », une œuvre composite constituée de plusieurs NFT pour 69,3 millions de dollars chez Christie's. Une vente exceptionnelle qui l’a propulsé parmi les artistes vivants les mieux cotés du marché, juste derrière Jeff Koons et David Hockney, selon la maison de vente aux enchères.

Mais, la première incursion du secteur en milieu blockchain est sans nul doute le lancement par le groupe LVMH de sa plateforme blockchain Aura en avril 2019. Forte d’une importante médiatisation, elle a entraîné un intérêt grandissant pour le registre décentralisé. Puis, par granularité, le luxe a découvert son sous-produit phare renfermant un important potentiel de rareté digitale et de gamification : le NFT.

Si le premier usage du NFT remonte à 2017 avec les Cryptopunks, son engouement ne se dément pas.

C’est ainsi qu’en juin dernier, Gucci a organisé sa première vente aux enchères en ligne avec Christie’s, intitulé Proof of Sovereignty. Le NFT vidéo de 4 minutes créé par la maison italienne pour son 100e anniversaire, a trouvé preneur pour 25 000 dollars. Givenchy a lancé sa deuxième collection de 15 NFTs avec l’artiste Chito fin novembre. Ou encore, DKNY, associé au collectif artistique Obvious, a proposé son nouveau logo sous forme de NFT, tout en reversant les fonds récoltés à une ONG.

Au point que les NFTs pourraient constituer 10% du marché des produits de luxe d’ici 2030, avec une opportunité de revenus de 50 milliards d’euros, selon un rapport de Morgan Stanley.

Mais l’un des enjeux principaux des marques de luxe en termes de durabilité, de rareté et de transparence, demeure la croissance galopante du marché de l’occasion.

Car si la revente permet au client de faire fructifier ses investissements, celle-ci n’est pas sans poser question en matière de dilution de l’image de marque, banalisation des produits ou encore expérience client en déphasage avec l’excellence relationnelle et émotionnelle, caractéristique du secteur.

D’après le cabinet McKinsey, ce marché de l’occasion appliqué à l’industrie du luxe représentait 25 à 30 milliards de dollars en 2020. Un marché essentiellement porté par le segment du hard luxury (horlogerie-joaillerie) mais qui tend à se diversifier. Selon cette même étude, il devrait enregistrer un taux de croissance de 10 à 15% sur les dix années à venir.

Quant aux raisons évoquées, la possibilité de se procurer un produit rare ou discontinué arrive en tête (41% des sondés), devant l’éco-responsabilité (40%) et les considérations financières (36%).

Vers une sublimation de l’expérience client ?

Pour le luxe, le NFT permet de créer une expérience client inédite autour du produit et de capitaliser sur l’effet de communauté pour renforcer la relation client.

Il peut s’agir d’un pur divertissement cherchant à démocratiser les codes de la maison de façon ludique. En témoigne, le jeu mobile Louis The Game, lancé par la maison Louis Vuitton pour célébrer l’anniversaire des 200 ans de la naissance de son fondateur. Dans un univers très inspiré des mondes parallèles du métavers - univers virtuel recréant le monde réel - le joueur revêt l’avatar de la mascotte de la marque, Vivienne, en quête des 200 bougies dans un parcours réparti dans 6 univers. Le joueur est également amené à collecter une trentaine de NFT. Caractéristiques de ces jetons ? Ils sont dénués de valeur unitaire.

Mais une expérience purement virtuelle présente également ses propres limites. C’est là que la fonction passerelle du NFT joue à plein régime. Avec le jeton non fongible, il est ainsi possible d’enrichir le virtuel comme le réel. C’est précisément ce que fait RTFKT Studio (prononcer Artefact), récemment racheté par l'équipementier sportif de luxe, Nike et lauréat du prix Retail NFT à la première cérémonie du NFT.NYC, plus grand évènement dédié au NFT. Le fondateur du studio de design et fondateur d’une marque de personnalisation de baskets de luxe, Steven Vasilev, s’est dit que dans un marché de la revente fait de collectionneurs précautionneux, il valait mieux ne pas trop porter ses sneakers afin de ne pas voir leur valeur fondre à vue d'œil. C’est ainsi qu’il a eu l’idée de proposer des sneakers virtuels, véritables extension des achats en physique. C’est ainsi que la vente de 621 paires de basket NFT à l’esprit Air Force One en collaboration avec l’artiste Fewocious, a généré 31 millions de dollars en seulement 7 minutes (2,6 millions d’euros) Version virtuelles de collections pour jeux vidéo (skins).

Mais depuis la première robe virtuelle par The Fabricant en 2019 (hors NFT), l’objet virtuel peut également être un protagoniste à part entière dans une collection de luxe. Ainsi, Dolce & Gabbana a vendu une collection hybride de vêtements et de bijoux sous forme de NFT pour un montant record de 1.885.719 ETH (6,1 millions de dollars). Intitulé Collezione Genesi, elle est composée de 5 créations physiques et 4 créations virtuelles. C'est le cas également du spécialiste de la baggagerie de luxe , Rimowa (LVMH). Pour sa collection “Blueprints from the Metaverse,”la maison de luxe a mis aux enchères sur la plateforme Rarible 4 pièces virtuelles exclusives, inspiré du mobilier vintage des compagnies aériennes, à savoir une table, une desserte, une lampe et une sono.

C’est également l’idée de s’appuyer sur la technologie NFT afin de réinventer la carte de membre et le club des VIC (Very Important Customer) à travers la gamification. On le retrouve dans le projet de la maison Dolce & Gabbana qui prévoit le lancement prochain de la DG Family, une crypto-communauté avec quatre niveaux d’adhésion. C’est aussi le but de la troisième opération NFT de la maison Balmain : deux paires de sneakers physiques accompagnées d’expériences VIP, dont la réplique virtuelle de cette même paire. Les deux NFTs sont assortis d’avantages spéciaux, en fonction du prix de vente final. La mise à prix sur la plateforme Open Sea est estimée à 2,5 ETH soit environ 10 000 dollars.

Pour le fondateur d’Exclusible, startup spécialisée dans le luxe, lancée il y a à peine 6 mois, les possibilités en termes d’avantages associés pour le détenteur d’un NFT luxe sont légions. A Forbes France, il décrit dans le cadre d’un achat automobile, la possibilité de :

  • l’utiliser dans un jeu de course,

  • en conduire un modèle dans une session spéciale,

  • avoir accès à des forums exclusifs

  • être prioritaire dans l’achat de son modèle.

Selon lui, avec le NFT, “les avantages dans la vie physique et virtuelle se superposent.”

Pour Pierre-Nicolas Hurstel, cofondateur et CEO de Arianee - qui partageait en novembre, un talk avec Ownest au salon BIG 2021- la force du NFT se trouve dans “le nouvel arsenal relationnel” des marques de luxe. L’idée est de créer une relation entre le possesseur d’un token avec une marque ou une communauté. Selon lui, dans le futur, le client du luxe pourra communiquer avec la marque via un jeton numérique lié à un produit, un programme ou encore une expérience auquel il aura participé plutôt que de laisser son mail.

Une solution propice au respect de la privacy, diminuant le risque et les coûts de traitement de la donnée et créant un nouveau CRM respectueux de la vie privée du client.

Mais au-delà de l’expérience digitale ou retail à destination du client final, le NFT s'applique également à des cas d’usage logistiques, jusqu’ici peu visibles du grand public et pourtant essentiels. La crise sanitaire a en effet contribué à révéler une filière supply chain fort méconnue.

Les marques de luxe pensent ainsi s’y référer pour contrer le fléau de la contrefaçon ainsi que pour diminuer l’impact tant financier que écologique inhérent à la perte ou au vol de leurs produits d’exception.

NFT ou la traçabilité haute couture ?

Avec une authenticité prouvée, doublée d’une traçabilité en temps réel, garanties par la blockchain, le token NFT est à même d’offrir une plus grande transparence sur le mouvement des flux de produits et ainsi identifier plus finement l’origine comme le responsable du produit et ses composantes.

De quoi répondre à un enjeu de contrôle de l’image face à un marché gris globalisé. Ainsi, l’Union Européenne Pour la Propriété Intellectuelle (EUIPO) évalue la contrefaçon en Europe à 28,4 milliards d’euros, soit 9,4% du volume des ventes de vêtements et accessoires. Gagnant toujours plus en sophistication, ces copies passent sous le radar des clients les moins chevronnés. Ainsi, 37% des acheteurs auraient déjà acquis, malgré eux, un produit contrefait.

Par chance, le produit de luxe est particulièrement adapté à cette traçabilité nouvelle génération. En effet, il est non seulement aisément reconnaissable (codes, signatures visuelles, logos, motifs) mais il bénéficie également d’un haut niveau de protection.

Un produit idéal pour capitaliser sur le caractère auditable et infalsifiable de la blockchain, encapsulé dans le jeton NFT. Par son horodatage des événements auquel a été confronté le produit durant son cycle de vie (réparations, entretiens, changements de propriétaires…) il est possible de retracer l’ensemble de son parcours. Cela concerne tout aussi bien la matière première que le produit fini. De quoi faciliter la délivrance d’un certificat d’authenticité notamment sur le marché de la seconde main où la qualité a vite fait d’être trompeuse.

Plutôt que de suivre le produit en lui-même, Ownest, spécialiste logistique opérant également dans le retail et le luxe, préfère suivre les responsabilités. L’idée est d’associer un token NFT de responsabilité à un objet physique. L’avantage de cette technologie est qu’elle est à la fois unique, transférable et indestructible. Ainsi, le token NFT ne peut pas exister en dehors d’un portefeuille de responsabilité, ni apparaître dans deux portefeuilles distincts : un possesseur du token est donc toujours identifié. Dès lors qu’un produit est physiquement transféré à une autre personne, il va y avoir le transfert de la responsabilité qui lui est associée.

Il s'ensuit une diminution des pertes produits (disparition, vols, dégradations) et des coûts associés à leur remplacement, une optimisation de l’efficience opérationnelle des flux internes/externes et une plus grande responsabilisation des équipes terrains.

En implantant le token NFT de responsabilité pour le suivi des prêts de pièces de collection ou défilés, la maison Saint Laurent a ainsi augmenté son taux de suivi des pièces de collection entre les boutiques et le siège. Elle a également diminué la durée d’immobilisation moyenne des pièces et mis en évidence le cycle de vie des produits (qui est responsable du produit, quand).

La technologie NFT permet également d’améliorer la gestion des pièces uniques. Il est ainsi possible d’adresser des requêtes inter-boutiques.

Ainsi, en cas d’indisponibilité en magasin d’une pièce d’exception, un magasin peut vérifier l’état des stocks sur l’ensemble du réseau de boutiques et demander à la boutique qui la possède d’acheminer ladite pièce unique jusqu’à la boutique en question.


Vous l’aurez compris, rareté, exclusivité ou encore durabilité sont des enjeux cruciaux pour les marques de luxe soucieuses de renforcer leur désirabilité. Pour y parvenir, le token NFT offre toute une palette de cas d’usage à la fois ludiques, engageants et sécurisants.


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