La blockchain n’en finit pas d’irriguer le buzz médiatique en matière de transformation numérique, parlant ça et là de Quatrième Révolution Industrielle, de “trust machine”, de “nouvel internet” quand elle n’est pas perçue comme LA solution miracle à la crise de confiance généralisée affectant nos sociétés modernes… tout en reniant ses fondamentaux “ouverts”. Or tous les articles de presse sur le sujet ne se valent pas. En effet, Philippe Dewost, ancien cofondateur du labchain tempêtait déjà en 2016 que « 80% de ce qu’on peut lire dans la presse sur la blockchain est bullshit ». Pas étonnant que toutes ces confusions entraînent un certain désamour au vu des fortes attentes sur ses bénéfices supposés qui tarderaient à venir.
A l’ère du fake, de l’obsession du “story proving” et autres injonctions à la transparence sur la provenance et l’authenticité, nous déconstruisons ici pour vous 5 préjugés trop souvent répandus afin de vous permettre de vous constituer un avis véritablement éclairé sur le sujet.
Idée reçue n°1 : Les crypto-monnaies ne servent à rien
Le raccourci comme quoi “blockchain = bitcoin” et n’aurait donc d’intérêt que pour un usage exclusivement financier et une volonté spéculatrice n’est plus à faire… Pourtant cette monnaie numérique non indexée sur le cours de l’or ni celle des devises conventionnelles n’est pas régulée par un organe centralisateur ou des institutions financières, elle peut donc constituer une valeur refuge en cas d’inflation (comme au Venezuela ou en Argentine) ou de krach boursier. La crypto-monnaie est aussi le corollaire de sa propre sécurisation et de son indépendance car les acteurs qui œuvrent à sa sécurité ne sont motivés que par la rémunération qu’ils tirent de sa valeur, sans objectif spéculatif. Sans crypto-monnaie, pas de sécurité ni d’indépendance.
Idée reçue n°2 : La blockchain est une base de données
C’est peut-être l’affirmation la plus souvent entendue et même d’ailleurs la (mauvaise) raison la plus souvent invoquée quand il s’agit de recourir à la blockchain. Qu’on se le dise une fois pour toute : la blockchain vaut mieux qu’une simple base de données. Pour décrire ce nouvel espace de confiance les allégories sont légion : “grand livre de compte numérique”, “base de données des transactions”,… C’est en effet un registre distribué permettant de transférer de la valeur de manière sécurisée. Elle permet d’enregistrer des informations, des titres de propriété ou encore des transactions financières de manière cryptée.
Idée reçue n°3 : Les systèmes de consensus se valent tous
La blockchain originelle, celle de 2009 et de Satoshi Nakamoto (ses pères programmeurs), était ouverte. Ici, les membres, tels les mineurs pouvant obtenir une prime, procèdent à la validation des données qui y sont inscrites, ce qui permet au registre auto-régulé d’être sécurisé. La blockchain ouverte (aussi décrite comme “publique”) est distribuée sans restrictions entre tous les acteurs et participants. Son protocole de validation des données doit donc être suffisamment puissant pour la rendre en théorie infalsifiable, par opposition à un système centralisé (contrôlé par un ou plusieurs acteurs). Le système fermé/permissionné des blockchains privées fait qu’un seul acteur dispose d’un pouvoir discrétionnaire sur les données qui y sont insérées. Moins fiable, il peut, s’il venait à tomber entre de mauvaises mains, engendrer de véritables conflits d’intérêts du fait de la situation monopolistique engendrée.
En outre, la blockchain ouverte dispose de 3 qualités propres à son architecture :
- elle est certifiante : seule une blockchain ouverte peut générer des preuves irrévocables en cas de litige.
- elle est infalsifiable : l’information est réputée infalsifiable, cela signifie que l’information ne peut être à aucun moment modifiée. Ainsi même une “attaque à 51%”, possible sur des blockchains ouvertes de moindre importance, ne pourrait permettre à l’assaillant de ne modifier que ses propres transactions.
- elle est immuable.
Idée reçue n°4: La blockchain est capable de garantir l’authenticité des données
Là encore, une idée fausse : l’inscription d’une donnée sur une blockchain quelle qu’elle soit n’est en rien un gage d’une information certifiée vraie. D’abord parce que les données étant rentrées par des humains, une erreur est vite arrivée…
En revanche, la blockchain garantit l’intégrité des données. Cela veut dire qu’une fois inscrite sur un bloc, l’information ne peut plus être modifiée. Ainsi la blockchain permet de visualiser avec certitude l’ensemble des transactions liées à un bien de valeur, qu’il soit physique ou virtuel, tout le long de son cycle de vie. Certifiant l’ensemble du parcours du bien, il peut mettre en lumière toute altération du produit, ou changement de propriétaire et ainsi permettre de remonter jusqu’aux personnes responsables d’un quelconque aléa.
Idée reçue n°5 : “Blockchain” rime obligatoirement avec innovation
La blockchain n’est pas en soit une révolution, mais son mécanisme de consensus en est une.
Si la technologie a émergé, c’est d’abord parce qu’elle est basée sur les intérêts individuels de chacun dans un environnement totalement ouvert et que ces intérêts individuels concourent à sa sécurisation.
Dans le cadre d’un transfert d’actifs, dès qu’une transaction est créée, cette dernière est mise dans un panier de transactions en attente de validation. Les mineurs vont piocher dans ce panier pour compléter le bloc contenant des milliers de transactions et le valider. Pour le valider, les mineurs doivent effectuer des calculs dont le résultat est imprévisible et renouveler leur tentative jusqu’à parvenir à un résultat attendu. Lorsque, par hasard, ils y parviennent, il peuvent adjoindre leur bloc validé au registre (la blockchain ou chaine de blocs). Les mineurs touchent alors une récompense (la création de crypto-monnaie) ainsi que la somme de tous les frais de transaction des transactions incluses dans le bloc. Leur intérêt individuel est donc d’avoir plus de puissance de calcul pour avoir plus de chance de réussir. Or, plus la puissance de calcul est forte, plus les blocs sont immuables.
Ensuite, parce que mettre en place une politique d’innovation et de transformation numérique ne doit pas nécessairement passer par la blockchain. En effet, encore faut-il que le recours à la blockchain soit justifié par les objectifs de l’entreprise et qu’il s’inscrive dans un certain contexte. Il est ainsi étonnant de voir apparaître de nouvelles blockchains dès qu’il faut assurer la traçabilité d’un produit quelconque. Pourquoi une blockchain serait-elle plus adaptée à du saumon et une autre à du thon ? Et quid du contrôle des informations qui sont entrées par des humains ? Comme nous l’avons déjà dit, ce n’est pas parce que l’information est immuable dans une blockchain, qu’elle est forcément juste au départ.
La blockchain est un protocole dont l’usage dans différents métiers, que ce soit dans la finance, la logistique, le juridique, etc. a déjà des répercussions importantes, mais il est essentiel de ne pas tout mélanger et de ne pas extrapoler des usages pour lesquelles elle n’est pas requise. Amateurs de la technologie pour sa seule fonction de base de données, passez donc votre chemin.