Capable d'accroître la transparence et la traçabilité de tout transfert de valeur, la blockchain s'apprête à transformer de nombreuses applications métiers bien au delà de la finance et du buzz médiatique.
L'intégrité du registre distribué qu'est la blockchain (par essence "ouverte"), implique de légiférer à bon escient afin de veiller à la bonne tenue des transactions tout en accompagnant le bouleversement culturel qu'elle implique.
Gouvernements et institutions ont clairement un rôle à jouer dans la démocratisation de la blockchain et son infusion dans l'économie réelle.
Le premier forum blockchain mondial de l'OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique) durant lequel nous sommes intervenus, visait à identifier les bénéfices et les risques, tant économiques que sociétaux inhérents à cette technologie disruptive.
Cet évènement a rassemblé près de 400 participants issus du secteur privé et public, de grandes figures de la communauté internationale et académique mais aussi des officiels de haut rang de la scène politique, des experts internationaux et des représentants d'entreprises.
Opportunités et risques de la démocratisation de la blockchain
Lentement mais sûrement, la blockchain est en train de bouleverser l'ensemble du paysage industriel.
Alors que les cas d'usage se multiplient au sein des entreprises (et pas seulement des POC, autrement dits proofs of concept), nombre de gouvernements ne sont pas en reste et souhaitent leur emboîter le pas. Ainsi selon le cabinet IDC, 2,1 milliards de dollars seront investis dans la blockchain, à l'échelle du globe, en 2018.
Elle permet, en tout premier lieu, de sécuriser les transferts de valeurs et de data au-delà des crypto-monnaies. En plus d'apporter gain de temps et optimisation des coûts, cet outil permet surtout de fiabiliser les transactions et de réduire les risques d'erreurs humaines.
On entends souvent que la décentralisation des données permise par la blockchain remet en cause l'existence des tiers de confiance comme les banques, les organismes de contrôle ou bien encore les structures gouvernementales. Or, c'est partiellement inexact : Peut-être faut-il plutôt y voir une réhabilitation des rôles plutôt qu'une suppression abrupte.
Pour les gouvernements, la blockchain serait notamment à même de faciliter l'identification des propriétaires terriens, qu'il s'agissent de terres agricoles ou constructibles, de garantir l'identification des individus lors de la création de documents officiels (passeports, permis de conduire...), la gestion des données de santé ou bien même l'enregistrement de véhicules.
Parmi les cas d'usages blockchain relevés lors du forum, on peut rappeler que l'enregistrement de terrains a été adopté par la Georgie, le Honduras et le Kenya, accélérant du même coup, les démarches administratives (passant de quelques mois à quelques jours).
De leurs côtés, la ville suisse de Zug a mis en place une solution d'identity management basée sur la blockchain tandis que l'Ouest de la Virginie, s'en est remis à la blockchain pour le contrôle de la conformité des votes à distance lors de la tenue de scrutins municipaux.
De la ferme à la fourchette : les promesses de la traçabilité blockchain dans l'agriculture
Comme le rappelle Genevieve Leveille, CEO de chez Agriledger, dès lors que vous mangez, en tant que consommateur vous devenez un acteur à part entière de la chaîne logistique de l'agriculture.
En Asie ou en Afrique, les exploitations agricoles sont aux mains de petits propriètaires, pratiquant bien souvent une activité vivrière pour un commerce strictement local.
Face aux catastrophes naturelles, ces derniers se retrouvent bien souvent démunis. Ainsi, lors du tsunami qui avait violemment frappé la Thailande en 2008, nombre de fermiers avaient totalement perdu leurs exploitation agricoles, étant dans l'impossibilité de prouver la propriété de leur parcelle de terre.
Le contrôle de la validité de la qualité des denrées alimentaires et leur caractère comestibles reste un enjeu de santé public. Or, il ressort de la conférence une disparité massive entre le nombre fermiers et le nombre de personnes chargées de contrôler le respect de certaines procédures obligatoires en vigueur au sein de l'UE comme c'est le cas pour la filière de la viande rouge au Royaume-Uni.
La technologie constituerait un apport considérable pour les fermiers et autres petits producteurs de denrées périssables. En plus d'apporter des preuves des précédentes réalisations des exploitants agricoles, la blockchain leur permettrait tout simplement d'accéder à certaines informations. et même au commerce international.
Le concept de tokénisation, consistant à lier un produit physique à un actif numérique unique et transférable, permettrait de disposer d'informations plus rapidement et de savoir avec précision à quelle étape du cycle de vie, le produit se situe-t-il. Une telle démarche accélèrerait du même coup les prises de décision et permettrait de réduire le gaspillage.
Le mécanisme de consensus: la vraie révolution blockchain au service de la traçabilité
Engagé dans la défense de la transparence (origine des matières premières, process de transformation) réclamée par les consommateurs comme les citoyens, Ownest a pu dans le cadre de la conférence "Ripe for Disruption: Using Blockchain for Agricultural Supply Chain" partagé ses insights en tant qu'expert blockchain et transformation numérique.
Cette prise de parole est notamment intervenue en présence de Hamet Aguemon, partner chez Southbridge Group (banque d'investissement tournée vers l'Afrique) et modérateur de la session.
Comme le rappelle son CEO, Clément Bergé-Lefranc, "une chaine logistique, c'est avant tout une chaîne de responsabilités". En effet les chaînes logistiques sont de plus en plus grandes avec de plus en plus d'acteurs qui, de fait, se voient déresponsabilisés.
Alors que des distorsions sont observables sur les chaînes logistiques (pertes, vols, dégradations ou substitutions de produits) la responsabilité individuelle n'est paradoxalement plus engagée ou difficilement engageable.
Heureusement le suivi de transfert de responsabilité via la blockchain vise à réinjecter de la responsabilité dans les chaînes logistiques.
Un tracker blockchain va être créé (selon le concept de tokénisation) pour tout type de produit que les acteurs vont se transférer tout le long de la chaîne de responsabilité. Ainsi à chaque fois qu'un produit va être transféré, la personne va du même coup transférer ladite responsabilité. Libre à la personne en face d'accepter ou de refuser cette responsabilité si le contenu du portefeuille d'actifs n'est pas conforme aux attentes.
Cette acceptation/refus du token (jeton numérique) permet, au travers du suivi de transfert de responsabilité, d'offrir, aux acteurs de la supply chain, une visibilité temps réel certifiée exacte et ainsi savoir de bout en bout qui est responsable de quoi.
Envers et contre tous, l'un cherche à "refiler la patate chaude" de la responsabilité dès lors qu'il a transféré le bien impliqué par la transaction, tandis que l'autre cherche à repartir avec le produit physique. Etant entendu que le premier ne confiera le produit qu'une fois la responsabilité acceptée par le second.
"L'important avec la blockchain c'est d'adapter les mentalités à ce nouveau processus. "
Plus qu'une politique ou une solution, la blockchain doit être regardé comme un outil à même de restaurer la confiance des administrés et de les rassurer. Pour réussir, elle se doit de reposer sur plusieurs blockchains et non une seule. Une fois qu'elle aura atteint une taille critique d'utilisateurs elle devrait donner accès à davantage de partage (informations, marchés...).
Envie de (ré)écouter l'intégralité de la conférence bilingue anglais - français "Ripe for Disruption: Using Blockchain for Agricultural Supply Chain" (Day 2, Amphi 4) à laquelle est intervenu Clément Bergé-Lefranc à partir de 27:15 ? C'est par ici